Droit de réponse

Ce n’est pas parce que je suis en vacances que je n’ai pas le droit à un avis quand je lis certaines choses.

Si jamais l’article du Monde venait à passer hors ligne, je redéfinis un peu le contexte :

Xavier Lacroix est théologien et philosophe, membre du Comité consultatif national d’éthique. Il explique pourquoi l’Eglise s’oppose au futur projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.

Je suis donc curieux de lire ce que ce monsieur a à nous dire qu’on n’aurait pas déjà entendu. Certes, je sais bien qu’il n’est pas productif de lire ce genre de papier dans la mesure où l’on n’est jamais vraiment convaincu par les arguments qui soutiennent une position autre que le sienne (comme expliqué ici par exemple), mais autant savoir ce qui se dit, et tenter de rester ouvert.

Je commence donc la lecture

Vous remarquerez que dans ce débat, l’Eglise catholique ne met pas en avant la croyance mais une position éthique, car ce sont des biens fondamentaux qui sont en jeu.

Ça y est, ça commence; une phrase et je ne suis déjà pas d’accord. Si je respecte absolument la liberté du culte, j’aimerais rappeler que la France est un état laïque et dans ma conception de la chose, cela implique que les Eglises (quelles qu’elles soient) n’ont pas vraiment droit de cité dans les débats de morale publique. Mettre en avant la croyance pour dire qu’ils sont contre, je pourrais respecter, dans la mesure où il ne s’agirait pas d’une opinion publiquement exprimée pour faire pression dans la débat, mais juste pour donner à leurs fidèles la position « officielle ».

Mais si le but est de rentrer dans le débat public, laïc et républicain, je ne vois pas bien ce qui permet à l’Eglise de s’exprimer en tant que groupe. Il y a des pratiquants homophobes comme homosexuels (et une majorité qui a priori s’en fout royalement), de gauche, de droite, du centre, et d’ailleurs, et il me paraît illusoire qu’une Eglise puisse s’exprimer au nom de ses fidèles, et représenter dans un comité consultatif un groupe homogène. Dans cette mesure, elle n’a pas légitimité dans un tel débat. Un groupe de catholique-anti-mariage aurait plus de sens, tout comme les groupes laïcs « pro-famille »… je ne suis pas d’accord, mais je vois des gens qui se sont groupés parce qu’ils partagent les mêmes opinions et veulent faire connaître, faire pression, et c’est bien plus démocratique qu’inviter une instance bi-millénaire dont l’autorité se fonde sur une croyance religieuse mais qui prétend donner la voie à suivre au nom d’autre chose.

Aujourd’hui, neuf personnes sur dix pensent que le mariage est la célébration sociale de l’amour. Pourquoi, alors, ne pas le célébrer entre deux personnes du même sexe qui s’aiment ? Or, anthropologiquement, traditionnellement, juridiquement, universellement, le mariage n’est pas que cela. Il est l’union entre un homme et une femme en vue de procréation : si on enlève la différence de sexe et la procréation, il ne reste rien, sauf l’amour, qui peut rompre.

Deux points déjà : si c’est ce que pensent neuf personnes sur dix, alors pourquoi ne pas accepter que c’est bien ainsi aujourd’hui ? Le peuple est, après tout, souverain non ?
Ensuite, le mariage est aussi une institution qui n’a pas toujours été aussi rigide, et dont l’un des buts fut aussi de contrôler les peuples en limitan et codifiant leur activité sexuelles; sans oublier que cette drôle d’idée d’allier l’amour et le mariage a moins d’un siècle, voir beaucoup moins dans certaines régions (sans compter les lieus où elle n’a pas encore court), et que le mariage était aussi (et surtout) prétexte à faire les arrangements entre famille, en vue de faire des enfants effectivement, enfants qui ne sont pas des enfants de l’amour mais plutôt des voeux de notaires. Il ne reste donc plus rien, même pas l’amour.

La société a-t-elle « besoin » de l’amour homosexuel, de couples homosexuels solidaires. Peut-être, mais j’en doute.

Cher Monsieur, et avec tout le respect que je vous doit, la société  a-t-elle besoin de votre avis ? Peut-être, mais j’en doute.

Question : L’Etat ne doit-il pas prendre en compte les nouvelles réalités ?
Réponse : Il y a une différence entre faire face, accompagner des réalités de familles très complexes et définir, a priori, ce que sera désormais une famille. La société n’est pas dans son rôle en encourageant la précarité.

Alors, la question étant l’acceptation de ce qui est déjà, la réponse qui parle de définir a priori est simplement hors sujet. Mais ça permet de placer le mot précarité. Les couples homosexuels sont donc précaires. Doit-on rappeler la proportion de mariages qui finit en divorce ? Mais j’imagine que là aussi, la société a eu tort de prendre en compte une réalité pour définir a priori qu’une séparation était possible.Quoi qu’il en soit c’était mieux avant !

Je vous passe les morceaux choisis sur l’adoption par les couples hétérosexuels, acceptable parce que « L’adoption est toujours une souffrance. Mais, dans le cas des couples hétérosexuels, cette souffrance est rattrapée par le fait que le couple adoptant est analogue aux parents biologiques »; ah ben oui, l’enfant a perdu ses parents, mais on lui en fournit des pareils, un peu comme ce poisson rouge qui est mort l’année dernières. Monsieur Lacroix, il faut que vous le sachiez, les enfants savent que vous avez acheté un nouveau poisson, et ils vous en voudront toute leur vie !

À plusieurs reprises j’ai lu qu’il ne fallait pas mentir au enfant, pas leur faire croire qu’ils avaient deux papas (comprendre donc deux papas biologiques). On l’a vu dans la récente et très médiatique manifestation avec un homme-oisillon aux legging lycra très discutable. Mais qui parle de mentir aux enfants ? Si un jour avec mon (hypothétique futur) mari j’ai des enfants, je ne vais pas leur faire croire une absurdité pareille ! Pourquoi pas un vieux barbu vêtu de rouge qui passe par la cheminée pendant qu’on y est ? Un enfant est biologiquement issue d’un père et d’une mère, c’est évident. Même in-vitro. Même choisi sur catalogue avec mère porteuse. Ce sont les associations « pro-famille » et l’Eglise qui parlent de mensonges, je doute que les personnes concernées aient eu un instant l’idée de cacher tout ça.

Monsieur Lacroix, si je respecte et crois comprendre ce que vous dite, je ne juge pas moins vos propos rétrogrades et, sur un certain nombre de points, contradictoires. Votre argumentation, d’un point de vue purement logique et sémantique, ne tient pas complètement la route.

Je conclus en citant les indégivrables

Les indégivrables - Xavier Gorce

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